Dévoilée par « Le Monde » le 18 mai 2018, la note interne de Bercy « Transformer les prestations sociales » fait polémique. Les pistes de travail rapportées dans la presse font écho à des travaux menés depuis plusieurs années sur la restriction des aides aux publics « prioritaires » ne disposant pas de patrimoine ou de solidarité familiale et leur fusion en une allocation unique, principes défendus avec des arguments différents par En Marche et les Républicains en 2017.

Position des français sur la restriction des dépenses publiques

En 2013, un sondage BVA-Médiapart indiquait que 80% des personnes interrogées étaient pour une réduction drastique de la dépense publique. Cette position s’est renforcée, les priorités étant différentes selon le segment électoral.

A contrario, chaque Français est convaincu de pouvoir tirer pour lui quelques miettes du système d’Etat providence devenu fou. La communication qui entoure les travaux de Bercy le montre bien : chaque tête de réseau mobilise sa clientèle en critiquant la piste qui la concerne et en proposant de restreindre les miettes des autres réseaux.

Mais le cœur de la dépense sociale et des mécanismes à l’origine de son explosion ne sont jamais traités : vieillissement de la population, complexité, opacité, fraude, sans parler de la préférence étrangère qui n’est, après tout, qu’une forme de clientélisme. Opposer systématiquement une fin de non-recevoir aux propositions de réformes du gouvernement sera donc perçu comme un signe d’aveuglement ou de démagogie, y compris dans les milieux les plus modestes conscients de l’impasse que constitue un modèle opaque et permissif.

Grandes dynamiques de la dépense sociale

La protection sociale en France représentait en 2015 presque 750 milliards d’euros, soit 34% du PIB.

La protection sociale a atteint un tel poids dans le coût du travail (part salariale + part patronale > au salaire net) que des dispositifs de ponction ont été mis en place sur les revenus du capital, de substitution et la consommation.

Parallèlement à ce matraquage, on constate une dégradation de la prise en charge des Français avec une désertification médicale, des remboursements réduits voire refusés, des prestations non distribuées, d’un montant trop bas pour sortir de la misère :

  • A périmètre équivalent, moins de salariés et moins d’employeurs induisent une baisse des recettes diverses destinées à la protection sociale : en cause, la stagnation économique, la disparition des entreprises ou leur délocalisation et le vieillissement de la population.
  • A périmètre équivalent, précarité des actifs et vieillissement entraînent une augmentation du nombre de bénéficiaires : chômage, augmentation du coût de la vie et arrivée des papyboomers en situation de dépendance entraînent un recours accru des Français à la protection sociale, exigence légitime au regard des sommes qui leur sont ponctionnées.
  • Entre ces deux phénomènes anciens et jamais traités, l’impunité des fraudeurs et l’accès inconditionnel des aides à des populations étrangères ou récemment naturalisées n’ayant pas cotisé, la multiplication des saupoudrages, la délégation de gestion confiée à des structures parapubliques hors de contrôle maintient l’illusion d’une prise en charge et garantit le financement de clientèles qui naturellement réclament toujours plus de dépenses sociales.

La note Bercy, fin de la solidarité nationale et de la justice sociale

Selon les retours de presse disponibles à ce jour, l’esprit de la note s’appuie sur plusieurs mécanismes :

  1. Bidouillage et désindexation pour afficher une forme de rigueur. En réalité, le ridicule bénéfice espéré (3,5 milliards d’euros à rapporter aux 750 milliards d’euros d’enveloppe générale) ne justifie pas la précarisation des plus modestes, particulièrement sensibles à l’inflation réelle : personnes incapables de subvenir seules à leurs besoins, travailleurs pauvres, familles, retraités.
  2. L’atteinte au patrimoine constitué par les familles et les Français les plus prévoyants : les Français détenteurs d’un patrimoine devraient se voir écartés d’un certain nombre de dispositifs : APA, APL, Prestations familiales.

Il s’agit donc bien, sous couvert de réduction de la dépense sociale, de réduire l’accès des Français à la protection sociale qu’ils paient en détruisant la solidarité interclasse et integénérationnelle :

  1. De réduire la prise en charge des plus démunis
  2. D’obliger les Français détenteurs d’un patrimoine, ayant souvent le plus financé la solidarité par leurs contributions à liquider le patrimoine qu’ils ont pu se constituer avant de pouvoir bénéficier de la solidarité nationale, qu’il s’agisse de retraités ou de jeunes issus de familles modestes et prudentes.

Sans surprise, ne sont absolument pas cités :

  1. Les gaspillages liés à l’opacité, la cogestion, le maquis des structures de distribution, l’empilement administratif et la décentralisation, et il faut le rappeler, la corruption.
  2. Le poids de populations bénéficiant de l’intégralité de la couverture sociale, sans cotisation préalable, sans contrepartie ou sur la base de cotisations ridicules (intermittents du spectacle, élus).
  3. La fraude et l’inefficacité des contrôles.

Plutôt que de réduire la dépense sociale par une recherche d’efficacité et de justice impliquant transparence, contrôle et recentrage sur ceux qui contribuent à la solidarité nationale, le gouvernement préfère gratter sur l’aide aux pauvres, aux familles et aux retraités. Quant à ceux qui patiemment ont réussi à se constituer ou à transmettre un patrimoine en dépit de la ponction de 50% de leurs revenus, ils seront vraisemblablement sommés de liquider le fruit de tant d’efforts avant de faire appel à la solidarité qu’ils ont financé des années durant.

Sortir de l’impasse : Promouvoir une politique sociale favorisant et s’adossant sur la vitalité des familles.

Pour équilibrer le budget, la réduction des dépenses publiques passe par une réforme en profondeur de la protection sociale qui s’appuierait sur une politique familiale ambitieuse.

Une fécondité de l’ordre de 2 enfants par femme est indispensable pour faire fonctionner harmonieusement les échanges entre générations : s’il ne naît pas assez d’enfants, les retraites de demain seront faibles. Pour l’heure, sans l’apport de l’immigration, la fécondité des femmes est d’1,7 seulement.

Pourtant, la politique familiale est la variable d’ajustement des économies en matière de protection sociale. La branche famille de la Sécurité Sociale est la seule sur laquelle il soit facile de faire des économies : les gouvernements se cassent les dents sur l’assurance maladie (qui a connu 26 plans de redressement en 20 ans) et les facteurs démographiques sont tels que les dépenses vieillesse ne peuvent qu’augmenter. Au contraire, en matière de prestations familiales, il est commode de diminuer ce qui est versé. Les économies sont mécaniques et certaines. D’autant que, jusqu’à présent, les victimes de ces restrictions ne descendent pas dans la rue.

C’est pourquoi, avec une belle unanimité, les gouvernements de gauche et de droite font porter aux familles l’essentiel des économies en matière de Sécurité Sociale. Or, ce choix est contre-productif et délétère car comment se préparent les retraites dans les systèmes de répartition, si ce n’est par la mise au monde et par l’éducation des enfants, c’est-à-dire par « l’investissement dans la jeunesse ».
Une refonte de la protection sociale de bon sens devrait donc restituer à la politique familiale sa place logique au sein de la protection sociale, permettant la solidarité inter-classe et la solidarité intergénérationnelle, en un mot la solidarité nationale.

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